La définition de cette ère me parait bien pertinente, en plus ça place un cadre significatif pour la réflexion. Penser ainsi, en considérant l'humain comme une force géo-physique, ça change quand même de penser la terre et la nature d'un côté, et nous avec notre influence de l'autre. Parler d'ère, ça nous rapproche des dinosaures, de leur fin, de l'échelle réelle de l'histoire de la vie et de ses cycles ...
Je pense que les améliorations, s'il y en a, viendront de la conjonction des deux options :
1- Adaptations politiques et économiques de notre système actuel, adaptations qui n'impliquent pas un changement radical de notre mode de vie
2- Mutation de nos modes de vie par l'intermédiaire d'une prise de conscience qui influera sur les choix personnels ou familiaux
Mais à vrai dire, même si je pense ça, je crois que ni les efforts des états, ni ceux découlant de la conscience collective, ni ceux découlant des consciences individuelles ne suffiront à éviter les chocs typiques de l'anthropocène.
Jack dit que l'ego humain est trop gros, moi je dis qu'il est trop rigide. Qu'il soit gros, c'est possible, mais le vrai problème est son manque de souplesse et de fluidité. Que nous soyons gourmands, avides de richesses, ambitieux, pourquoi pas, il y a assez de potentiel dans cet univers pour nous satisfaire, et assez de potentiel dans l'intelligence et la technologie pour le faire d'une manière équilibrée, belle et durable.
La gravité de notre situation est non seulement que nous le faisons d'une manière déséquilibrée, moche et non-durable, mais surtout que nous avons toutes les difficultés à admettre qu'on pourrait changer facilement, qu'on aurait autant de confort, voire plus, alors même que nous savons que nous fonçons vers un mur.
D'où mon avis que nous n'opérerons de mutation significative qu'une fois que de grosses catastrophes auront commencé à se manifester. Il faudra que se fasse défoncer notre monde matériel pour que notre monde mental commence à s'ébrécher. Car c'est bien là que c'est rigide comme du verre, notre mental, et du verre, on ne le plie pas, on le casse. Ce n'est pas une fatalité, la nature du mental est aussi souple que la surface de l'eau, mais c'est comme une malédiction héréditaire pour l'homme d'avoir un mental si développé mais si figé.
Bref, nous dépasserons vite le moment où on pourra limiter les dégâts, on passera vite au moment où on ne pourra plus que s'adapter aux conséquences. Là, notre mental sera obligé de bouger, et là on découvrira qu'avoir un mental fluide et ouvert, c'est le bonheur. Si les moyens de production et d'échange humains sont détruits, ça nous ramènera à des vies comme celles des hommes migrateurs, vivant d'un mix entre cueillette, chasse, agriculture de petite échelle.
Vu comme ça, ça pourrait être pas mal.
Mais j'ai peur que ça n'aboutisse pas en premier lieu à une telle situation. Déjà, ceux qui subiront les catastrophes ne seront peut-être pas ceux qui les causent le plus, donc les pollueurs ne se sentiront pas autant concernés. Cela créera des inégalités géographiques fortes, des rancunes de peuples envers d'autres, et surtout des mouvements massifs de migration.
Les terres où il fera bon vivre et où on mangera bien seront très convoitées, et en retour, seront forcément très protégées, ce qui entraînera des conflits, des guerres. Les déstabilisations politiques risquent d'affaiblir les cohésions nationales et les états, et l'émergence de mouvements radicaux amèneront des situations proches de la guerre civile. En gros, sauve qui peut et démerde-toi comme tu peux.
Donc autant il s'agit de s'adapter aux conséquences du climat, autant il s'agit de s'adapter aux perturbations graves de la situation sociale, politique, économique et surtout sanitaire. Dans ce cadre, il est certainement temps de réfléchir à de nouveaux modes de vie, à de nouveaux modes d'échanges et de vie en commun. C'est dans ce cadre que les discussions qu'on a sur le web creusois, à propos de bouddho-anarchisme, à propos de modes de vie et de travail alternatifs me sont si importantes, ce n'est pas uniquement pour faire valoir notre entreprise familiale et ma petite personne.
Les perturbations du monde humain seront coûteuses, mais au moins la période d'anarchie qu'elles ouvriront sera propice au dégel du mental, et nous donneront le coup de pouce qui nous manque pour bouger réellement maintenant. Car il faut bien qu'on l'avoue : on se chauffe tous bien en hiver, on se déplace en voiture, on use et abuse d'électricité, de machines, on participe tous au marché humain actuel et on n'a apporté que les changements qui ne nous ôtent pas de confort, voire qui nous en rajoutent.
Je ne connais que peu de gens ayant fait le saut, le choix courageux de vivre sans essence, sans électricité et avec le maximum d'autonomie. Actuellement je n'en connais qu'un seul, je le nomme Thierry la légende, c'est Thierry de la roussille. Je me tâte mais je crois que je vais bientôt faire un billet sur lui et sa situation.
Chères et chers Anthropocéniens, je vous dis à bientôt